« La mort (…) ne peut être pensée puisqu’elle est absence de pensée. Il faut donc vivre comme si nous étions éternels. « (A . MAUROIS)
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Les lignes qui suivent constituent une tentative d’analyse de deux nouvelles de Marguerite Yourcenar publiées dans son recueil de 1963 intitulé « Nouvelles orientales » : « Le lait de la mort » et « Comment Wang-Fô fut sauvé« . A vrai dire, il s’agira plus d’un essai d’imagination que d’une analyse littéraire, où la projection de mes désirs et de mes craintes sera présente, de manière latente ou cachée, sous l’apparence d’un exercice psychanalytique. Celui-ci aura pour sujet la personne de Marguerite Yourcenar dont j’ambitionne de découvrir certains aspects de la personnalité à travers son oeuvre puisque, dans toutes nos productions, nous laissons transparaître ce que nous sommes. Ceci n’enlève d’ailleurs rien au fait qu’ il est impossible de bien connaître l’autre, étant donné que la personnalité d’un être est fort complexe et dynamique. Du reste, cette prétention qui consiste à souhaiter connaître l’autre pourrait bien n’être qu’une prétention à l’omnipotence, ce à quoi nous sommes souvent amenés pour oublier notre insignifiance dans le monde et dans le temps. Que l’on veuille bien, alors, considérer cet écrit comme une ébauche ou une tentative pour communiquer ce kaléidoscope d’idées qui sont présentes dans mon esprit quand je laisse à mon imagination libre cours, sans me soucier de la rigueur requise de quelqu’un qui veut atteindre à une réalité objective voire scientifique, ce que l’on serait en droit d’exiger d’une analyse psychanalytique. Que l’on veuille bien garder à l’esprit qu’ il ne s’agira pas ici de la vraie Marguerite Yourcenar, mais d’une autre Marguerite Yourcenar dont je prends la liberté de faire le sujet de cette étude.
« Elle avait beaucoup réfléchi à la mort. En vérité. à ma connaissance, nul autre auteur, dans toute la littérature mondiale, n’a si continûment dépeint au plus vif l’acte de mourir. (…) elle savait que la grande affaire est de vivre, non de mourir.«
Walter KAISER, L’éloge funèbre ( 1 )
« Un critique a observé que les personnages de mes livres sont de préférence présentés dans la perspective de la mort approchante, et que celle-ci dénie toute signification à la vie. Mais toute vie signifie, fût-ce celle d’un insecte, et le sentiment de son importance, énorme en tout cas pour celui qui l’a vécue, ou du moins de son unique singularité, augmente au lieu de diminuer quand on a vu la parabole boucler sa boucle, ou, dans des cas plus rares, l’hyperbole enflammée décrire sa courbe et passer sous l’horizon ( 2 ) . «
Après une brève digression sur la polarité « mort et vie » et sur les événements qui furent liés à la mort dans la vie de Marguerite Yourcenar, je m’attacherai à une réflexion sur l’écrivain et sur les personnages de ces deux nouvelles.
D’abord, qu’est-ce que la mort ?
« La mort désigne la fin absolue de quelque chose de positif : un être humain, un animal, une plante, une amitié…En tant que symbole, la mort est l’aspect périssable et destructible de l ‘existence…Mais elle est aussi l‘introductrice dans les mondes inconnus des Enfers ou des Paradis ; ce qui montre son ambivalence, comme celle de la terre, et la rapproche en quelque sorte des rites de passage. Elle est révélation et introduction...En ce sens, elle a une valeur psychologique : elle délivre des forces négatives et régressives, elle dématérialise et libère les forces ascensionnelles de l ‘esprit...à tous ses niveaux d‘existence, coexistent la mort et la vie, c ‘est-à–dire une tension entre des forces contraires...// n‘empêche que le mystère de la mort est traditionnellement ressenti comme angoissant et figuré sous des traits effrayants. C‘est, poussée à son maximum, la résistance inconnue, plutôt que la crainte d ‘une résorption dans le néant…La mort nous rappelle qu‘il faut encore aller plus loin et qu‘elle est la condition même du progrès et de la vie ( 3 ) . »
C’est, pour ce qui concerne le champ de la psychanalyse, dans son ouvrage » Au-delà du principe de plaisir » (1920), que Freud a écrit sur la pulsion de vie et la pulsion de mort. La pulsion de mort est la tendance qui pousse un être vivant à retourner à l’état anorganique, à la réduction complète de toute tension ; elle s’oppose à la pulsion de vie. La pulsion de vie est constituée par les pulsions sexuelles et par les pulsions d’autoconservation. Les pulsions de mort sont d’abord dirigées contre l’ individu lui-même et visent à sa propre destruction. En un second temps, elles sont orientées vers l’ extérieur, sous la forme de pulsions agressives. Ainsi, dans la vie d’un individu, entrent en jeu des pulsions de mort et des pulsions de vie. L’ambivalence entre l’amour (pulsion de vie) et la haine (pulsion agressive) est au centre du conflit psychique. Après Freud, c’est la psychanalyste Mélanie Klein qui soulignera dans ses travaux cette ambivalence entre l’amour et la haine. D’après elle, le bébé dans la position schizo-paranoïde ne distingue pas l’objet de son amour de l’objet de ses attaques agressives. Ainsi, pour protéger l’objet considéré comme bon contre les pulsions destructives dirigées contre l’objet considéré comme mauvais (puisque ces deux qualités se trouvent dans un même objet), le bébé utilise la défense qui consiste à le cliver en un » objet bon » et un « objet mauvais » (sein bon et sein mauvais) . En conséquence, on obtient pour résultat un objet ambivalent, à la fois idéalement bienfaisant et foncièrement destructeur.
Josyane Savigneau ouvre sa biographie de Marguerite Yourcenar sur la mort de Jerry, qui fut son compagnon de voyage pendant les six dernières années précédant son décès. Elle focalise sur le thème de la mort ce qui fut important et marquant dans la vie de l’écrivain : car la petite Marguerite est venue au monde sous le signe de la mort. Pour vivre, elle a payé un prix très élevé : la vie de sa mère. Cette mère, tellement nécessaire au petit nouveau-né, a été pour elle un fantasme à la fois « idéalement bienfaisant » et « foncièrement destructeur ». Son absence a rendu difficile à la petite enfant le travail de deuil que fait tout bébé quand il arrive à la position dépressive. C’est le moment où le clivage s’atténue et où le bébé réalise que la mère bonne et la mère mauvaise est une seule et même mère qu’il attaque avec son sadisme. C’est le moment de la concrétisation d’une mère totale, du deuil, parce que le bébé est malheureux de ses attaques agressives : ainsi, il essaye de réparer l’objet mère en inhibant son agressivité, récupérant une mère comme objet total et non plus une mère divisée, clivée en deux objets-mère (le bon et le mauvais).
Cette fois, il fait l’introjection de l’objet total mère d’une façon stable et apaisée. Cette introjection permet la formation d’une personnalité plus sûre devant la vie. La manière dont se déroule la lutte entre les pulsions agressives, sadiques, et les pulsions d’amour – toutes dirigées vers sa mère – chez le bébé déterminera les futures relations de cet individu avec le monde. C’est-à-dire que, si l’amour triomphe, l’introjection d’une mère rassurante sera possible et, par conséquent, la relation du sujet avec les autres et le monde sera plutôt confiante. Dans le cas contraire, nous aurons l’autre extrême, c ‘est-à-dire une relation plutôt méfiante et défensive.
Et, en effet, Marguerite Yourcenar n’a pu sortir de ce conflit sans en être marquée, si l’on se souvient qu’elle a eu un autre chagrin, à l’âge de sept ans, quand sa bonne, Barbe, a été renvoyée par son père. Ce déchirement a été le premier de sa vie; on peut dire le premier déchirement réel de sa vie, alors que la mort de sa mère n’avait été qu’un fait raconté, puisqu’il s’agissait pour elle d’une mère inconnue (mais tout de même d’un fantasme). Et Marguerite Yourcenar rapporte les sentiments qu’elle a éprouvés à cette occasion :
« J’avais pris l ‘habitude de son absence, mais un poids énorme pesait sur moi : on m‘avait menti. Je ne fis désormais entièrement confiance à personne, pas même à Michel ( 4 ). »
Nous pouvons observer, dans la nouvelle « Le lait de la mort« , tout le travail et la lutte interne auxquels s’est livrée Marguerite Yourcenar pour résoudre les conflits que la mort de sa mère avait provoqués chez elle.
Il y a trois mères dans cette nouvelle. Peut-être pouvons-nous avancer que ces trois mères représentent les trois aspects de l’objet-mère présents dans l’ inconscient de Marguerite Yourcenar. Il y a trois mères : une mère moderne, plutôt narcissique; une mère idéale entièrement dévouée à son enfant, et une mère mauvaise, une mère sorcière, qui rend aveugle son enfant pour tirer profit de cette situation.
Première mère :
« Ma mère est belle, mince, maquillée, dure comme la glace d’une vitrine (…) Quand nous sortons ensemble, on me prend pour son frère aîné ( 5 ). »
Deuxième mère :
« Ne murez pas ma poitrine, frères, mais que mes deux seins restent accessibles sous ma chemise brodée, et que tous les jours on m‘apporte mon enfant, à l’ aube, à midi et au crépuscule. Tant qu ‘il me restera quelques gouttes de vie, elles descendront jusqu ‘au bout de mes deux seins pour nourrir l‘enfant que j ‘ai mis au monde, et le jour où je n‘aurai plus de lait, il boira mon âme ( 6 ). »
Troisième mère :
» Voici des mois qu‘elle applique sur les yeux de son enfant de dégoûtants emplâtres qui lui enflamment la vue et apitoient les passants. Il y voit encore, mais il sera bientôt ce qu‘elle souhaite qu‘il soit : un aveugle ( 7). »
Un enfant désire une mère idéale, toujours présente auprès de lui, nourricière d’affects. La mort de sa mère, le petit enfant la ressent comme une trahison, se révolte contre l’ être aimé qui fut assez égoïste pour l’abandonner. Il se sent volé d’une chose qui lui appartient de droit. A ce moment-là, la mère est vue comme une mère mauvaise qui mérite d’être la cible de toutes les attaques agressives de l’enfant. Mais si la mère est mauvaise, l’enfant ne peut non plus croire en lui-même, en sa propre bonté puisqu’il est le produit de sa mère. Il lui faut alors sauvegarder l’image d’une mère bonne, il lui faut idéaliser cette mère pour continuer à vivre et avoir confiance en soi. Cependant, cet équilibre est précaire car son image de mère bonne est plus idéale que réelle. Dans ce cas, l’ imago de la mère mauvaise revient souvent et l’enfant doit faire beaucoup d’ efforts pour préserver un objet partiel de mère bonne. Ses possibilités de réussite dépendront dès lors d’un ego fort. C’est ainsi que la mère souhaitée, dans cette nouvelle, est la mère albanaise que même la mort n’a pu empêcher de nourrir son enfant. On peut dire que cette image de mère est celle que Marguerite Yourcenar voulait préserver dans son intimité pour résoudre les conflits psychiques que la mort réelle de sa mère avait provoqués en elle. Marguerite Yourcenar sait qu’elle a besoin d’ une mère pour bien grandir, qu’il est important pour un individu d’avoir eu une personne qui l’a élevé avec amour. Dès la naissance, quand le bébé est totalement dépendant, il faut une mère qui soutienne le développement sain de l’enfant, afin que celui-ci devienne un adulte confiant à l’égard du monde, comme le montre l’allégorie de la tour de la légende albanaise :
« Ils savent qu‘un édifice s ‘effondre si l‘on n ‘a pas pris soin d’enfermer dans son soubassement un homme ou une femme dont le squelette soutiendra jusqu ‘au jour du Jugement Dernier cette pesante chair de pierres ( 8 ). »
Chez Marguerite Yourcenar, l’idée de mère est toujours liée à l’idée de mort, de sacrifice : il faut mourir pour donner la vie. Peut-être trouvons-nous ici l’origine de l’homosexualité de Marguerite Yourcenar. Ce vide jamais rempli, c’est ce qu’ elle a connu, toujours à la recherche d’ une mère (Jeanne) qui puisse lui donner sa propre identité féminine, sa propre sexualité, de sorte à savoir ce qu’est une femme devant un homme. Mais cette recherche n’a jamais abouti parce qu’elle n’a pas pu procéder à de bonnes identifications féminines. Dans sa vie, son père a été la personne la plus importante, mais c’était un père à la fois présent et absent, qui ne lui a pas enseigné ce que c’est que d’être une femme. Et l’ obstacle principal qui lui a interdit d’atteindre son stade génital a été ce qui constituait à ses yeux le destin inexorable d’une femme : pour elle, être une femme signifiait être condamnée à mort. Or, ce qui différencie essentiellement une femme d’un homme, c’est sa capacité d’accoucher, alors que pour Marguerite Yourcenar accoucher = mourir.
On assiste souvent à une valorisation de la vue dans ces deux nouvelles. Il s’agit d’ abord de la comparaison entre sein et yeux et entre larmes et lait. Tous quatre sont symboles de l’affectivité, de l’amour envers l’autre. Or, par manque du lait maternel, Marguerite Yourcenar va investir la vue de libido, comme substitut de la bouche, premier organe libidinal. Désormais, la parole écrite sera l’aliment de Marguerite Yourcenar. Cet aliment par lequel la petite Marguerite tentera de remplir le vide intérieur, résultat du manque d’une mère, sera son moyen de communication avec le monde. Cet enfant, « aveuglé » par sa mère mauvaise qui l’a abandonné, sera l’enfant qui s’élèvera seul. Son rapport avec le monde sera silencieux, solitaire, parce que la lecture est un acte solitaire.
Dorénavant, Marguerite Yourcenar essayera de créer un monde imaginaire, un monde qui pourra suppléer ses besoins, mais un monde qui prendra comme modèle le monde réel, avec lequel elle jouera comme un enfant joue avec ses jouets, recréant un monde selon ses désirs. Les paroles seront les acteurs de ce monde, par lesquelles elle transmettra ses pensées, communiquera avec les personnes : et le papier sera la scène où elle fera jouer tous ses drames intimes, tous ses fantasmes, pour en sortir encore plus forte, confiante et batailleuse
Un seul chemin lui reste, le chemin des hommes. Elle développera ses caractéristiques masculines et s’identifiera fondamentalement à son père. Elle sera indépendante, peu attachée aux conventions sociales en tant qu’ elles sont synonymes d’enfermement, amoureuse des voyages, des livres, profondément concernée par l’humanisme et cachera ses aspects féminins, son désir de dépendance, sa fragilité, son affectivité dans une boîte fermée à sept clés.
***
Voyons dans la nouvelle « Comment Wang-Fô fut sauvé » un exemple de son point de vue sur la femme :
« L’épouse de Ling était frêle comme un roseau, enfantine comme du lait, douce comme la salive, salée comme les larmes ( 9 ). »
« Ling aima cette femme au coeur limpide comme on aime un miroir qui ne se ternirait pas, un talisman qui protégerait toujours ( 10 ) . »
« Depuis que Ling lui préférait les portraits que Wang-Fô faisait d’elle, son visage se flétrissait, comme la fleur en butte au vent chaud ou aux pluies d’été. Un matin, on la trouva pendue aux branches du prunier rose : les bouts de l‘écharpe qui l’étranglait flottaient mêlés à sa chevelure ( 11 ). »
« Son disciple Ling broyait les couleurs, et cette besogne exigeait tant d‘application qu‘il oubliait de verser des larmes ( 12 ). »
La femme doit son existence à l’homme. Au fur et à mesure que l’homme n’a plus besoin de la femme, celle-ci cesse d’exister. La femme est vue par Marguerite Yourcenar comme un être dépendant, frêle, un miroir pour l’ homme. Belle, mais prévisible comme le prunier qui donne des fleurs roses chaque printemps. Marguerite Yourcenar ne peut pas s’identifier à cette femme, elle qui aime les aventures, les voyages, le monde. Par conséquent, seule la relation entre hommes est viable, et par une sublimation, un homme peut accoucher d’un autre homme, peut le faire renaître.
Examinons le passage suivant :
« Grâce à lui, Ling connut la beauté des faces de buveurs estompées par la fumée des boissons chaudes, la splendeur brune des viandes inégalement léchées par les coups de langue du feu… ( 13 ). »
« Alors, comprenant que Wang-Fô venait de lui faire cadeau d ‘une âme et d‘une perception neuves, Ling coucha respectueusement le vieillard dans la chambre où ses père et mère étaient morts ( 14 ). »
Le lien entre le maître et le disciple répète le lien entre la mère et son fils. La mère est pour l’enfant l’être omnipotent avec lequel il veut fusionner pour avoir cette omnipotence :
« Leur réputation les précédait dons les villages, au seuil des châteaux forts et sous le porche des temples où les pèlerins inquiets se réfugient au crépuscule. On disait que Wang-Fô avait le pouvoir de donner la vie à ses peintures par une dernière touche de couleur qu‘il ajoutait à leurs yeux ( 15 ). »
Marguerite Yourcenar veut être tantôt Wang-Fô et tantôt Ling, qui a appris de Wang-Fô une nouvelle vision de la vie et partage sa connaissance, son immortalité. Il s’agit d’un lien très étroit où les rôles peuvent être interchangeables :
« Lorsque Wang était triste et parlait de son grand âge, Ling montrait en souriant le tronc solide d‘un vieux chêne; lorsque Wang était gai et débitait des plaisanteries, Ling faisait humblement semblant de l ‘écouter ( 16 ). »
« – Vous vivant, dit respectueusement Ling, comment aurais-je pu mourir ? ( 17 ). «
Mais aussi Marguerite Yourcenar est l’Empereur qui s’est senti trompé et veut se venger et détruire, s’emparer du pouvoir de Wang-Fô, de sa capacité de donner la vie. Comme la petite fille qui veut s’emparer de l’appareil génital de sa mère et de tous les bébés qui sont dans son utérus, c’est-à-dire s’emparer du pouvoir qu’a sa mère de donner la vie. Une mère qui a été appréhendée par la petite Marguerite Yourcenar comme celle qui l’avait castrée de ce pouvoir en mourant :
» Wang-Fô, je veux que tu consacres les heures de lumière qui te restent à finir cette peinture, qui contiendra ainsi les derniers secrets accumulés au cours de ta longue vie. Nul doute que tes mains, si près de tomber, ne trembleront sur l’étoffe de soie, et l’infini pénétrera dans ton oeuvre par ces hachures du malheur. Et nul doute que tes yeux, si près d ‘être anéantis, ne découvriront des rapports à la limite des sens humoins...Si tu refuses, avant de t‘aveugler, je ferai brûler toutes tes oeuvres, et tu seras alors pareil à un père dont on a massacré les fils et détruit les espérances de postérité ( 18 ). »
En outre, Marguerite Yourcenar est la femme de Ling, mais c’est l’aspect refoulé et caché de sa personnalité. C’est l’aspect le plus faible – une image sans vie propre – avec lequel Marguerite Yourcenar ne se sent pas à l’aise mais qui, toutefois, est toujours présent.
Finalement, on peut dire comment Marguerite Yourcenar fut sauvée et comment Marguerite Yourcenar a sauvé son objet-mère en se sauvant elle-même : elle a suivi un chemin qui lui permettait de ne pas affronter son complexe féminin et de sublimer toute sa libido vers une réussite qui lui a donné l’immortalité. Dès lors, son homosexualité rend manifeste que l ‘essence de l’homme ne réside pas dans son sexe mais dans son statut d’ être humain, d’homme libre, d’homme de culture et de pensées… La mort n’était donc plus la fin, la figure terrorisante qui venait lui occasionner des chagrins, lui voler les êtres aimés. Marguerite Yourcenar était prête pour sa mort. Elle avait elle-même fixé à l’avance tous les détails de la cérémonie à sa mémoire. Elle était en paix.
Peu avant de mourir, elle avait dit :
« On se doit de peiner et de lutter jusqu‘à la fin amère, de nager dans le flot qui à la fois nous porte et nous emporte, tout en sachant par avance qu‘il n‘est d‘autre issue que l’engloutissement dans l‘infini de la mer béante. Mais qui sombre et s’engloutit ? Il faut accepter les peines, les maux et afflictions qui nous assaillent, nous et les autres, et il faut accepter notre propre mort et la mort d‘autrui comme une part naturelle de la vie… Il nous faut penser à la mort comme à une amie. » (Walter KAISER, L’éloge funèbre) ( 19 ). »
Marguerite Yourcenar est morte le 17 décembre 1987 .
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Notes Yourcenar :
- ( 1 ) SAVIGNEAU, Josyane, Marguerite Yourcenar, Paris, Gallimard, 1990, p. 508.
- ( 2 ) YOURCENAR , Marguerite, Souvenirs pieux , Paris, Gallimard, 1974, p. 128 .
- ( 3 ) CHEVALIER, Jean et GHEERBRANT, Alain, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont et Jupiter, 1982, p. 650.
- ( 4 ) SAVIGNEAU, Josyane, op. cit., p. 46 .
- ( 5 ) YOURCENAR, Marguerite, Nouvelles orientales, Paris, Gallimard, Collection « L’imaginaire », 1963, p. ll.
- ( 6 ) Ibid., p. 55. C’est nous qui soulignons.
- ( 7 ) Ibid., p. 58.
- ( 8 ) Ibid., p. 48. C’est nous qui soulignons.
- ( 9 ) Ibid., p. 12.
- ( 10 ) loc. cit. C’est nous qui soulignons.
- ( 11 ) Ibid., p. 14.
- ( 12 ) loc. cit. C’est nous qui soulignons.
- ( 13 ) Ibid., p. 13.
- ( 14 ) loc. cit.
UNIVERSITE DE GENEVE, Faculté des Lettres, E.L.C.F.
Diplôme d’Etudes Françaises, Option D 18 : Concepts pour une lecture critique.
« Marguerite Yourcenar et la mort » (une contribution psychanalytique)
Texte présenté par Mme Ma Li TCHEON
Professeur : M. Jean-Louis BEYLARD-OZEROFF
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