INTRODUCTION
En allant en Espagne et en participant concrètement à la guerre, André Malraux a trouvé dans l’action des anarchistes une forme d’amour humain donnant un sens à la vie. Le regard attachant et la tendresse personnelle de l’écrivain pour ce mouvement portent la marque de sa réflexion profonde sur l’humanité face à une époque sanglante où les hommes luttaient pour fonder radicalement les critères d’un nouveau monde basé sur des idéologies.
Dans ce contexte, nous allons, d’abord, examiner le cadre historique pour situer l’anarchisme selon son mérite philosophique. L’anarchisme a, contrairement aux critiques sévères et peu profondes, toujours sa place dans l’histoire de la pensée. Dans une théorie vigoureuse qui étudie l’autorité ou le pouvoir – un problème fondamental de la société -, Bakounine, l’un des premiers anarchistes russes, ami de Marx et de Proudhon écrivait :
« Tout exercice de l’autorité corrompt, toute soumission à
l’autorité avilit«
Ensuite, en examinant la réalité de la vie quotidienne et individuelle des anarchistes de « L’Espoir« , nous essayerons de relever leurs réactions contre une société d’oppression, leur engagement idéaliste dans la collectivité. Car chaque situation spécifique dévoile la vraie raison des actes, et c’est pourquoi Malraux se montre toujours angoissé dans sa recherche des valeurs :
« Car chaque jour apparaît davantage l’incapacité de la civilisation moderne à donner des formes à des valeurs spirituelles »
(« Les voix du Silence« , Paris, Gallimard, 1952, p. 493)
Nous analyserons le jugement de Malraux sur la liberté d’agir et de choisir la dignité ou la mort par l’action anarchiste. Car, lorsque l’on prend conscience d’un destin commun de la collectivité, le libre choix de « mourir plutôt que de consentir » porte en lui-même la tragédie de la condition humaine.
« Si nous sommes écrasés ici à Madrid. les hommes auront un jour vécu avec leur coeur. Tu me comprends ? malgré la haine. Ils sont libres. Ils l’avaient jamais été. Je parle pas de la liberté politique, hein, je parle d’autre chose ! Tu me comprends ? » (L’Espoir, Folio, page 235)
A la fin de cet écrit, nous essayerons de réfléchir sur ce qui fait d’un acte un symbole de la dignité humaine par le choix de la mort. Et nous examinerons le regard lyrique qu’André Malraux porte gravement sur cette conception de l’action.
***
1. L’anarchisme et le cadre historique de la guerre d’Espagne
1.1. Le cadre historique
L’histoire de l’anachisme espagnol commence vers l’année 1870 où l’A.I.T. (Association Internationale des Travailleurs), un mouvement anarcho-syndicaliste, fut créée en juin 1870, à Barcelone. Dès cette date, se fondent plusieurs mouvements anarchistes en Espagne et en Europe. Dans le cadre de ce travail, nous ne retiendrons que les grandes lignes qui précédèrent la guerre d’Espagne de 1936.
En juillet 1927, à Valence, la Fédération Anarchiste Ibérique, (FAI) a été créée. Cette organisation spécifique du mouvement anarchiste se composait de groupes autonomes d’une douzaine de personnes, rassemblés d’une façon souple. Il s’agissait de gens qui se retrouvaient pour leur similitude d’opinions, de goûts et de caractères. Les conditions de la clandestinité n’étaient pas favorables pour la FAI, à ce moment-là, mais l’on trouvait déjà des anarchistes dynamiques, très engagés dans les comités en faveur des prisonniers et dans les groupes d’action. La plupart des militants de la FAI étaient souvent membres de la CNT (Confédération Nationale des Travailleurs); cela explique la relation étroite entre les anarchistes et les communistes. Leur volonté d’instaurer un communisme libertaire convenait à l’esprit espagnol et à l’argumentation des luttes de cette époque.
En 1931, l’Espagne est passée de la monarchie à la République, après des élections qui marquaient la victoire de l’alliance républicano-socialiste dans presque toutes les grandes villes. Cette réussite a eu lieu grâce à la force inattendue des anarchistes. Ils furent plus de deux millions à cette époque, réunissant bon nombre d’ouvriers et de paysans. Ils ont voté massivement pour la formation du régime républicain, démontrant leur capacité de s’organiser, contrairement à leurs idées anti-électorales et aux reproches qu’on leur faisait d’être des individualistes, désordonnés et suicidaires.
Mais la victoire de la République fut brève. Malgré des réformes de base réussies, telles qu’une nouvelle constitution permettant de créer des écoles publiques, de voter des lois sur le travail, la République n’a pas eu assez de temps ni l’occasion de réaliser son rêve.
Pendant trois ans, sur sa droite, la République se heurta à deux forces réactionnaires : l’Eglise et les militaires. Et, sur sa gauche, elle fut confrontée aux besoins des 12 millions d’illettrés qui ne possédaient absolument rien et qui vivaient sous l’oppression de quelques familles-« maîtres » de toute l’Espagne. Ce peuple misérable, comme tout autre peuple dans cette condition, montrait, tout à coup, son vrai visage de colère et d’humiliation : celui des anarchistes, des individus-révolutionnaires, précédant toute organisation et toute idéologie.
Des troubles ne cessaient d’éclater violemment. La plupart des ouvriers et des paysans ont suivi les consignes des anarchistes qui refusaient « la duperie parlementaire ». Plusieurs soulèvements ont été enregistrés, en juin 1932 à Sallent, en décembre 1931 à Aragon, en janvier 1933 à Casa Viejas. En octobre 1934, une grève générale a éclaté à Madrid. Les représailles du côté militaire ont fait de 3’000 à 4’000 tués et 7’000 blessés…
Nous arrivons au mois de février 1936. Par anti-parlementarisme, les anarchistes refusaient de participer à l’élection, mais désiraient obtenir l’amnistie pour tous les prisonniers politiques de 1934. Les agissements devenaient de plus en plus chaotiques.
Le 17 juillet 1936, au Maroc Espagnol, se produisit un soulèvement militaire commandé par quatre généraux dont Franco. Le 18, les officiers franquistes s’insurgèrent dans les grandes villes. C’était une armée très organisée par un nombre important d’officiers dont la force de frappe était constituée par les Maures de Franco. Cette armée aurait dû vaincre facilement, dans un court délai, pourtant elle échoua dans plusieurs grandes villes comme Madrid, Barcelone, Valence, etc.
Car, face à cette armée, un front populaire s’était fondé en hâte mais, étonnamment, sans la participation des communistes. Le gouvernement de ce front a distribué des armes au peuple et aux milices, composées pour la plupart d’anarchistes, de gens des rues. Ces groupes formés sur place ont tué les officiers franquistes et assiégé les casernes. Grâce à cette collectivité soudée devant le danger commun, la République a tenu jusqu’à ce moment-là ses grandes villes : Madrid, Barcelone, Valence et d’autres….
1.2. L’anarchisme comme pensée philosophique et le regard critique porté sur lui
Nous voilà devant quelques vérités concernant l’action des anarchistes, ce qui mérite de convoquer une réflexion plus profonde sur ce mouvement. La caractéristique essentielle de l’anarchisme espagnol est son enracinement dans le monde des ouvriers et des paysans. Est-ce pour cela que les actions furent totalement différentes de celles des autres mouvements ou autres organisations de cette époque ? La solidarité surprenante de ces gens relevait d’une qualité incontestable de la réaction humaine contre l’autorité, quelque forme qu’elle prenne, contre l’oppresseur de tous les temps.
Qui étaient ces gens qui, dans le chaos de situations extrêmes, demandèrent
– d’obtenir l’amnistie pour tous les condamnés politiques
– d’armer le peuple?
Quelles étaient leurs véritables principes de vie ? Que défendaient-ils?
Pour pouvoir répondre à ces questions, nous essayerons d’aborder l’essentiel, du point de vue philosophique, de cette pensée.
Le monde, et surtout l’Espagne dans l’entre-deux-guerres, suscitent des réflexions radicales sur le destin et les moyens humains. De plus, l’Espagne donne l’occasion d’agir à l’homme de ce temps. L’époque procure de vastes expériences sur place, et, en même temps, incite à transformer de fond en comble la société et les relations sociales. Parmi toutes ces actions, surgit le mouvement fougueux et chevaleresque de l’anarchie.
Poussé par le désir d’un changement radical, l’anarchisme avait un projet de société à la portée d’un peuple opprimé. Fidèles à Bakounine, les anarchistes souhaitaient réduire le pouvoir politique jusqu’à l’éclatement de l’Etat. Enracinée dans le milieu des paysans et des ouvriers, ils voulaient une révolution sociale avec la participation active de la majorité de la population à la recherche de nouvelles valeurs communes.
Ces caractéristiques ont donné à ce mouvement un caractère plus spontané qu’organisé. Et l’envie de transformation sociale s’est manifestée sous l’impulsion de la colère, de la compassion, de la solidarité… Celles-ci ont créé un mouvement rétif mais authentique qui, en même temps, pouvait s’expliquer par l’esprit héroïque et romantique de l’homme de l’époque. Ainsi, sa valeur était-elle tragique car il exprimait les vrais sentiments d’un coeur humain où se logeaient l’humiliation et la douleur des paysans et des ouvriers. Cette tragédie, à ce moment de l’Histoire a forcé ces hommes à choisir la mort au nom de la dignité.
Le désordre, la désobéissance et la non-adhésion aux conventions sociales sont au centre de la critique de l’anarchisme. Les arguments défavorables soulignent la faiblesse de cette pensée sur le plan de l’action, et la décrivent comme défaitiste.
L’anarchisme a été méprisé et condamné par beaucoup d’auteurs. Souvent, dans le langage populaire, on utilise le mot « anarchie » pour dire « chaos », sans connaître les sources de son histoire. Par exemple, Pol Gaillard a écrit, sévère :
» Les adversaires ici sont nombreux, et ce ne sont pas seulement les anarchistes… »
(Pol Gaillard, L’Espoir, « Profil d’une oeuvre », éd. Hatier, page48)
ou :
« Exagération de Malraux, pourrait-on penser; il caricature les anarchistes …Non seulement l’étude de la guerre civile montre le contraire, mais on trouve exactement les mêmes réactions, de leur part, à d’autres époques… »
(Ibid., page 49)
La définition de « l’anarchisme » dans le Dictionnaire de la Philosophie » Larousse » est la suivante :
« Platon définissait l’anarchie comme un cas limite de la démocratie … Les anarchistes se définissent finalement comme des « nihilistes’: soucieux seulement de détruire et non de construire, des révoltés incapables d’être de véritables révolutionnaires » (Dictionnaire Larousse, page 16, mai 1991)
L’idée de la mort est considérée comme négative, nuisible et non pas comme une idée philosophique de la liberté de choix de l’individu face aux situations contraires à la dignité humaine.
« Pour les meilleurs des anarchistes c’est plus simple encore. La mort acceptée en face justifie tout … »
(Pol Gaillard, « L’Espoir« , op. cit., page 49)
Ces arguments sont-ils justes? A-t-on oublié le sens profond du mouvement, sans compter qu’il a été soutenu par une masse d’intellectuels, de paysans et d’ouvriers de l’époque?
A vrai dire, par rapport aux autres pensées ou théories proposant une philosophie générale de l’homme et de la société, l’anarchisme est rétif aux définitions concises. D’ailleurs, étant anti-dogmatique par nature, l’anarchisme comporte diverses approches, parfois contradictoires. Sa sensibilité libertaire offre un caractère intemporel, a-historique. Il représente toujours la liberté de l’individu dans toute sa grandeur. De ce point de vue, il forme une critique fondamentale du principe d’autorité et de gouvernement. L’homme est écrasé sous le poids des principes politiques qui n’offrent intérêts et bénéfices que pour les couches supérieures de la société, l’Etat, l’Eglise, l’Armée, le Patronat, le Gouvernement …
Pour tenter de répondre à ces opinions contradictoires sur l’anarchisme, on peut analyser ce mouvement à travers les actions des anarchistes dans les situations réelles représentées dans « L’Espoir » de Malraux.
2. Les caractéristiques des actes anarchistes.
A la fin du chapitre 2 de la première partie, nous assistons à la mort de Puig au coeur de Barcelone, le fief des anarchistes. Puig était anarchiste. A l’exception d’une vingtaine pages qui décrivent la situation des villes d’Espagne, l’action des anarchistes et la mort de Puig (de la page 23 jusqu’à la page 44 de l’édition « Folio ») inaugurent la première partie (« L’illusion lyrique« ) de « L’Espoir ».
2.1. L’éthique de l’individu : la dignité et le rôle de la collectivité dans l’action de l’anarchisme
Il y a toujours, chez Malraux, la confrontation entre l’individu et la collectivité. Cette confrontation est représentée plus nettement chez les anarchistes que dans d’autres mouvements. Car l’anarchiste a une liberté totale d’agir tout en étant toujours lié à la collectivité dans son éthique de l’action.
Le chapitre 2 s’ouvre sur un petit bistrot, à l’aube, où le Négus, un commandant anarchiste, distribue des révolvers à ses amis.
La scène est symbolique, malgré son aspect réaliste. Malraux nous montre l’amitié et la solidarité qui caractérisent les actes courageux du Négus:
« – Ceux-ci ont été mis obligeamment à la disposition des compagnons anarchistes par messieurs les officiers fascistes. Ma barbe inspire la confiance.
Avec deux amis et quelques complices, il avait dévalisé dans la nuit les carrés de deux bateaux de guerre. Il conservait la combinaison bleue de mécanicien qu’il avait revêtue pour pénétrer sur le bateau. »
(« L’Espoir« , Folio, page 24)
La spontanité de l’action chez Puig dans la scène suivante qui est décrite cinématographiquement par Malraux nous donne aussi une impression de légèreté, de désinvolture :
« Puig entra. Il portait maintenant une veste de cuir et un fort revolver, – costume non sans romantisme sous son turban sale et ensanglanté. Ainsi il semblait plus petit et plus large encore.
– » Où sommes-nous le plus utiles? demanda-t-il. j’ai un millier d’hommes. »
(ibid., page 38)
Ainsi, l’acte de l’anarchiste est celui d’un héros populaire. Il est admiré, aimé par ce qu’il fait concrètement pour le peuple, au prix de sa vie. Le portrait attachant de Puig nous montre la tendresse de Malraux envers ces hommes :
« Puig était relativement peu connu: il n’écrivait pas pour la Solidarité Ouvrière. Mais on savait qu’il avait organisé l’aide aux enfants de Saragosse …Tous ceux qui connaissaient sa biographie romanesque étaient surpris par ce très petit rapace râblé, au nez courbe, à l’oeil ironique, et qui, depuis ce matin, ne cessait de sourire. Il ne ressemblait à cette biographie que par son chandail noir. »
(ibid,. page 30)
L’éthique de l’action s’exprime dans la tentative collective de retrouver la dignité humaine. Malraux s’intéressait au combat pour la dignité plus qu’à toute autre chose et l’anarchiste défend cette unique vertu des pauvres dans sa raison d’exister. Citons, par exemple, la recherche de dignité dans l’acte fougueux du Négus :
« Le Négus commande. Pas à cause de sa fonction au Syndicat. Parce qu’il a fait cinq ans de prison; parce que, lorsque la compagnie des trams de Barcelone, après une grève, a chassé quatre cents ouvriers, une nuit, le Négus, aidé d’une douzaine de copains, a mis le feu aux trams en dépôt sur la colline du Tibidabo, et les a lancés en flammes, freins desserrés, au milieu des klaxons épouvantés des autos, jusqu’au centre de Barcelone … »
(ibid. page 30)
La collectivité joue un rôle primordial : elle donne le sens des actions; et dans la lutte contre la misère et pour la dignité il n’y a aucun doute pour reconnaître la cause du combat.
« – Les idées changent … dit Vallado.
– Les gens que je défends, euxn’ont pas changé. Et il n y a que ça qui compte. »
(ibid. page 98)
Presque toutes les action des anarchistes sont individuelles dans la façon d’agir, malgré leur enracinement dans la collectivité. Systématiquement, l’anarchiste agit du bas vers le haut, son action décentralisée est toujours contestataire. Il y a certes la présence d’un système politique et social dans la collectivité, mais l’individu seul est responsable de son action par rapport à son organisation qui, d’ailleurs, respecte les décisions individuelles. Le respect de cette liberté individuelle explique l’approche intime bienveillante de Malraux envers ce mouvement.
2.2. L’affrontement de l’oppression et la réaction des humiliés
La trajectoire historique de l’anarchisme espagnol passe par de longues périodes de répression. De l’oppression des rois, des autorités, des riches à celle des églises, partout le peuple subit son sort :
« Votre catéchisme et le mien, c’est pas le même: nos vies sont trop différentes … On n’enseigne pas à tendre l’autre joue à des gens qui depuis deux mille ans n’ont jamais reçu que des gifles. » (ibid. page 42)
L’anarchiste continuait à penser comment transformer cette pensée en action :
« Des églises où on a approuvé les trente mille arrestations, les tortures et le reste, qu’elles brûlent, c’est bien … »
(ibid. page 42)
Il est révolté contre l’idée qu’il se fait pardonner pour ce qu’il a fait de mieux:
« – Et le Christ?
– C’est un anarchiste qui a réussi. c’est le seul. Et à propos des prêtres, que vous ne comprenez peut-être pas bien parce que vous n’avez pas été pauvre. Je hais un homme qui veut me pardonner d’avoir fait ce que j’ai fait de mieux; »
(ibid., page 43)
C’est par cette confrontation que l’origine du mouvement anarchiste prend concrètement racine dans l’humiliation. Et l’affrontement entre les humiliés et les oppresseurs est opiniâtre.
« Ces officiers, ils ne les voyaient pas pour la première fois, Les mêmes que ceux qui avaient arrêté les trente mille emprisonnés des Asturies, les mêmes qu’en 1933 à Saragosse, les mêmes qui avaient permis le sabotage de la révolte agraire, ceux grâce à qui la confiscation des biens de l’ordre des Jésuites, ordonné pour la sixième fois depuis un siècle, était six fois restée lettre morte. Les mêmes que ceux qui avaient chassé les parents du Négus.… »
(ibid. page 25)
Le destin collectif auquel personne n’échappe lie les humiliés à leur action. Par la mort et par la souffrance, ils se reconnaissent eux-mêmes dans leur capacité de réagir. C’est pour cela que la forme d’affrontement varie selon les circonstances, allant des sirènes d’usines ou des cloches d’églises :
« Jamais aucun des compagnons du Négus n’avait entendu plus de cinq sirènes à la fois. Comme les villes menacées d’Espagne jadis s’ébranlaient sous les cloches de toutes leurs églises, le prolétariat de Barcelone répondait aux salves par le tocsin haletant des sirènes d’usine »
(ibid. page 27)
jusqu’aux actes les plus suicidaires :
« Puig mit pleine vitesse, enfonça l’accélérateur comme il l’avait fait de celui de l’auto. Le bruit du changement de vitesse retombé, entre deux rafales le Négus entendit un coup isolé et vit Puig se dresser comme sur une table, avec un cri de l’homme à qui une balle vient de casser les dents. »
(ibid. page 44)
La réaction des humiliés fait croire qu’elle est confuse parce qu’ elle reprend l’esprit du peuple, qui a la connotation d’illettré et d’ignorant. Cette réaction gêne pour autant qu’elle représente une lucidité d’esprit, une prise de conscience de la vanité et des profits du pouvoir, quelle que soit son organisation. Elle est un cri qui dit « non » à toutes les combines :
« Pas de « dialectique » hein ! Pas de bureaucrates à la place des délégués ! Pas d’armée pour en finir avec l’armée ! Pas d’inégalité pour en finir avec l’inégalité ! Pas de combines avec les bourgeois ! Vivre comme la vie doit être vécue, dès maintenant, ou décéder. Si ça rate, ouste, pas d’aller-retour. »
(ibid., page 235, 236)
A travers une réflexion mûrie par l’expérience et proche de la vie qui « doit être vécue », Malraux montre la vérité des gens simples. Cette vérité propose une solution perdue d’avance mais digne de l’éthique humaine, de la vraie éthique, sans doctrine, ni religion.
Ecoutons encore la parole du Négus :
« Nous ne sommes pas du tout des chrétiens ! Vous, vous êtes devenus des curés. je ne dis pas que le communisme est devenu une religion; mais je dis que les communistes sont en train de devenir des curés. Etre révolutionnaire, pour vous, c’est être malins. Pour Bakounine, pour Kropotkine, ça n’était pas ça; ça n’était pas ça du tout. Vous êtes bouffés par le Parti. Bouffés par la discipline. Bouffés par la complicité: pour celui qui n’est pas des vôtres, vous n’avez plus ni honnêteté, ni devoirs, ni rien. Vous
n’êtes plus fidèles. Nous, depuis 1934, nous avons fait sept grèves rien que par solidarité sans un seul objectif matériel. »
(ibid., page 236)
Et l’indication pour retrouver la trace de l’anarchiste est dans la masse anonyme qu’il représente. Nous écoutons Manuel, un militant communiste-intellectuel :
« Les anarchistes, dit Manuel, c’est un mot qui sert surtout à embrouiller. Le Négus est membre de la F.A.I., c’est entendu. Mais ce qui compte, en somme, ce n’est pas ce que pensent ses copains; c’est ce que des millions d’hommes, des millions, qui ne sont pas anarchistes, pensent avec eux. »
(ibid. page 244)
La raison pour des millions de gens d’être avec les anarchistes peut s’expliquer par l’amour ; par exemple, à travers la parole de Ramos, communiste :
« Quand j’étais anarchiste, j’aimais beaucoup plus les personnes. L’anarchisme, pour moi, c’était le Syndicat, mais c’était surtout le rapport d’homme à homme. »
(ibid. page 104)
Humilié et plein de compassion envers la collectivité : tels sont les deux ressorts les plus éminents de l’action de l’anarchiste. Il répond à la place des plus faibles contre une autorité, un parti ou une église qui les écrasent et où personne d’entre eux n’a le courage de protester. Peut-être tout cela correspond-il à cette phrase de Malraux :
»Retrouver l’homme partout où l’on a rencontré ce qui l’écrase«
2.3. La conception de la mort comme liberté d’agir.
Toute l’oeuvre de Malraux exprime la profondeur des réflexions de l’écrivain sur la condition humaine. L’anarchiste est l’être qui est attiré constamment par la mort. Il est celui qui défend son projet de société au prix de sa vie.
L’héroïsme de la mort reflète la conscience dans sa dernière revendication:
« Le Négus leva la main droite avec le geste du Christ enseignant :
– Celui qui a peur de mourir n’a pas la conscience tranquille. »
(ibid., page 236)
L’anarchiste voit la mort comme l’affirmation de sa liberté d’agir, le sens de la mort est le contraire du non-sens de la vie opprimée. Examinons le concept philosophique dans l’idée du Négus :
« Vivre comme la vie doit être vécue, dès maintenant, ou décéder. Si ça rate, ouste. Pas d’aller-retour »
(ibid., page 236)
Ce sens de la mort implique un combat humain qui est d’un ordre différent de l’ordre ordinaire : « Vivre libre ou mourir » ou « vivre comme la vie doit être vécue« . L’homme est condamné par la vie injuste, opprimée, par la loi de la nature, par ce que sont « les fléaux » de Camus. Alors, la mort peut paraître préférable à la vie.
« L’un de ceux qui mènent les prisonniers devant le peloton d’exécution est penché sur la fosse, révolver en avant … Le ciel frémit de lumière. Hernandez pense à la propreté des linceuls : L’Europe n’aime plus grande chose, mais elle aime encore ses morts. »
(ibid., page 300)
Peut-on dire que leur combat est celui du symbole ? et que leur mort porte le sens de ce symbole en toute sa grandeur ?
» Le Négus a dit que les siens étaient toujours prêts à la mort. Pour les meilleurs, c’est vrai. Notez que je dis pour les meilleurs. Ils sont saouls d’une fraternité dont ils savent qu’elle ne peut pas durer comme ça. Et ils sont prêts à mourir après quelques jours d’exaltation – ou de vengeance, suivant le cas – où les hommes auront vécu selon leurs rêves. Notez qu’il nous l’a dit : avec leur coeur… Seulement, pour eux, cette mort justifie tout. »
(ibid., page 244)
Pour cela il n’y pas de résignation : la mort se trouve dans un combat commun pour une cause commune. Par un choix libre et personnel, l’anarchiste donne un sens à sa mort qui est préférable à sa vie. Choisir délibérément de mourir à la place de l’autre pour ne pas choisir le »sauve-qui-peut », car Puig pensait que « L’héroïsme qui n’est que l’imitation de l’héroïsme ne mène à rien »
(ibid., page 34)
La mort peut venir à tout instant, mais l’anarchiste la voit comme une « victoire possible« , car il ne s’agit pas de vivre mais de combattre:
« Pour la première fois, Puig, au lieu d’être en face d’une tentative désespérée, comme en 1934 – comme toujours – se sentait en face d’une victoire possible…. Face à un monde sans espoir, il n’attendait de l’anarchie que des révoltes exemplaires; tout problème politique se résolvait donc pour lui par l’audace et le caractère. »
(ibid. page 36)
D’ailleurs, l’attirance de la mort se montre puissante chez les anarchistes comme une affirmation de soi, du pouvoir de décider seul:
« Les sirènes s’étaient remises à hurler, comme si le son des klaxons encore dans l’air, devenu immense, eût rempli la ville entière pour les premières funérailles héroïques de la révolution … Puig enviait les camarades tués; et pourtant il a envie de voir les jours prochains. Barcelone était enceinte de tous les rêves de sa vie. »
(ibid., page 34)
Nous terminons ce chapitre sur une image réaliste, pleine de tristesse qui est plus éloquente que bien d’autres mots sur les anarchistes :
» Tous ces chefs de groupes extrémistes avaient été braves, et beaucoup étaient blessés ou morts. Pour Ximénès comme pour Puig, le courage aussi était une patrie. Les combattants anarchistes passaient, les joues noires dans la lumière de l’hôtel. Aucun n’était rasé : le combat avait commencé tôt. Une autre civière passa, un glaïeul fixé à l’un de ces brancards. »
(ibid., page 40)
et sur les dernières pensées de Hernandez, devant sa mort :
» Tolède rayonne dans l’air lumineux qui tremble au ras des monts du Tage: Hernandez est en train d’apprendre de quoi se fait l’histoire. Une fois de plus, dans ce pays de femmes en noir, se lève le peuple millénaire des veuves.
Qu’est ce que ça veut dire, la noblesse de caractère dans une action comme celle-là? La générosité?
Qui paye?
Hernandez regarde la glaise avec passion. 0 bonne terre inerte ! Il n’y a de dégoût et d’angoisse que chez les vivants »
(ibid., page 302)
3. LE REGARD ROMANESQUE D’ANDRE MALRAUX SUR LES ANARCHISTES
3.1. Le rêve d’action chez Malraux
La foule est présente dans « L’Espoir » de Malraux. Le roman contient une trentaine de personnages principaux qui agissent dans le monde chaotique de la guerre d’Espagne. Ces personnages ont chacun leur façon d’agir. Leurs actions se fondent sur des raisons personnelles ou collectives ou sur des tactiques et modes d’actions différents pour atteindre un seul but : vaincre les fascistes de Franco.
Nous n’avons jamais vu un combat si solidaire où les communistes, les anarchistes, les républicains luttent ensemble côte à côte contre un ennemie commun :
« … de couloirs en escaliers, Hernandez, Garcia, le Négus, Mercery et les miliciens avaient rejoint une cave à haute voûte, pleine de fumée et de détonations … »
(« L’espoir« , page 155)
Le feu, dans l’écriture de Malraux, montre que le roman a été travaillé à chaud. « L’Espoir » est publié après le départ de Malraux de l’Espagne et alors que la guerre dure encore. Le roman est comme un film, un reportage. Et ce qui rend l’oeuvre plus humaniste, c’est que chaque action est accompagnée des réflexions et des sentiments de celui qui agit.
Au coeur de l’action, et pour « nourrir l’action par la réflexion et vice versa », chaque héros de Malraux se demande :
« A quoi rime tout ce que nous venons de faire? demanda Garcia. »
(ibid., page 154)
ou bien:
‘‘Dites donc, camarades, elle est moche l’école, dit-il cordialement, pourquoi n’a-t-on pas transformé l’église en école comme dans la Murcie, plutôt que de la brûler. »
(ibid., page 207)
Avec « L’Espoir« , nous sommes dans de véritables actions qui sont tissées spontanément avec les pensées et avec les rêves individuels de chaque personnage.
Ainsi Malraux situe-t-il ses personnages et leurs actions dans un monde lyrique. Il a trouvé l’endroit où se réfugie son rêve d’action. La fascination devant l’action ramène Malraux au réel de la guerre d’Espagne. Parce que, dans ce monde réel de l’action, Malraux était à l’apogée de son rêve. « Agir c’est rêver« .
Dans le cadre de ce travail, nous considérons seulement l’influence des anarchistes sur le rêve d’action de Malraux. La réalisation de ces rêves par Magnin dans « L’Espoir » nous fournit d’une manière complète le vécu de Malraux durant cette période.
Malraux souhaite toujours participer aux moments où l’histoire s’écrit :
» Là où l’histoire est en train de se faire« .
La guerre d’Espagne, avec ses anarchistes, donne à Malraux l’occasion de trouver l’homme exceptionnel qui correspond à l’idée de l’auteur :
« Il y a toujours des hommes qui laissent après eux la carte du monde transformée. »
Parti pour l’Espagne, Malraux était parmi les tout premiers à organiser la résistance. Il a tout de suite compris que le seul moyen d’arrêter l’avance des colonnes de Franco était de bombarder les routes. Sans hésiter, Malraux trouve quelques avions de transport espagnols à Toulouse. Il s’engage immédiatement dans « l’escadrille espagnole » où il apprend à voler en quelques heures. A partir de là, Malraux et quelques recrutés espagnols et étrangers organisent les premiers raids civils (source dans l’article de Julien Seignaire, lieutenant et commissaire politique de Malraux).
Julien Seignaire a écrit dans son témoignage :
« Ce qui a attiré Malraux dans la guerre d’Espagne, qui représente selon moi un mouvement unique dans sa vie, c’est qu’il a senti qu’il pouvait jouer un rôle très important avec très peu de moyens. Avec quelques hommes, quelques appareils, il pouvait jouer un rôle décisif…
Et de fait, à ce moment -là, en partie grâce à l’escradrille, on a quand même réussi à arrêter les fascistes qui sont restés en suite pendant trois ans aux portes de Madrid … »
Dans ces conditions d’engagement de Malraux, nous pouvons constater que le type de pensée et d’action des anarchistes reflète fidèlement l’esprit de Malraux. Car Malraux était aussi téméraire, et aussi attiré par la mort que les anarchistes, en précisant (comme nous l’avons examiné dans le chapitre précédent) que cette fascination devant la mort est une affirmation de soi dans la reconquête de la dignité humaine.
Ainsi Malraux avait un sentiment d’amour et de compassion pour les anarchistes. Car ces actions, qui se disent impulsives, sont pleines d’amour pour les faibles, les pauvres et correspondent aux idées romantiques de Malraux.
Romantique dans le sens complet du mot, Malraux était toujours en accord direct avec ses héros et avec leur volontarisme dans l’engagement. Comme dans la tradition littéraire de l’époque où les écrivains romantiques étaient aussi des écrivains engagés, Malraux pense à :
« Proposer son monde plutôt que le monde tel qu’il est »
Ainsi, le rêve d’action se traduit concrètement par une grande ferveur dans l’engagement de Malraux, par l’affection avec laquelle il présente les héros anarchistes dans « L’Espoir« .
3.2. Malraux et le concept de la dignité dans l’action chez les anarchistes.
Il est influencé par la pensée de Dostoïevski : « l’être humain s’affirme par son humiliation »
Malraux, comme ses héros anarchistes, prouve que l’affirmation des humiliés est leur revendication de la dignité : celle de l’être humain que l’on torture, que l’on déshumanise jusqu’au moment où il devient un cri qui dit « NON ». Selon Malraux, les anarchistes sont ceux qui ont dit NON. C’est un NON accusateur de la vie par la volonté de l’homme d’affirmer sa dignité.
« C’est dans l’accusation de la vie que se trouve la dignité fondamentale de la pensée… »
(Lettre à Gaëtan Picon, 1934)
Comme ses héros anarchistes, le combat de Malraux est le combat pour la dignité humaine; l’idéologie ne l’intéresse pas.
« Le Négus avance dans la contre-mine. Depuis un mois, il ne croit plus à la Révolution. l’Apocalypse est finie. Il reste la lutte contre le fascisme, et le respect du Négus pour la défense de Madrid … le Négus a si longtemps vécu de la lutte contre les bourgeois, qu’il vit sans peine de la lutte contre le fascisme: les passions négatives ont toujours été les siennes… »
(ibid. page 488)
En conséquence, !’écrivain porte un regard sincère sur le combat des héros anarchistes. Malgré son idéal (Malraux insiste toujours sur le type de héros extraordinaire), nous trouvons dans ce concept de recherche de la dignité chez Malraux une image de l’homme ordinaire. Car Malraux décrit souvent la tristesse dans le coeur de ces hommes sensibles, souffrants. Voici les dernières réflexions du Négus avant sa mort:
»Depuis le lance-flammes de !’Alcazar, le Négus s’est réfugié dans ce combat souterrain qu’il aime, où presque tout combattant est condamné, où il sait qu’il mourra, et qui garde quelque chose d’individuel et de romantique. Quand le Négus ne se tire pas de ses problèmes, il se réfugie toujours dans la violence ou dans le sacrifice: les deux à la fois, c’est mieux encore. »
(ibid., page 489)
Dans cette idée de combat et de mort pour la dignité, comment Malraux cherche-t-il une solution?
Comme la mort est le dernier refuge de la dignité de l’homme, Malraux a choisi deux exemples symboliques du refus de subir le destin (deux voies que !’écrivain lui-même a explorées toute sa vie) : celui qui est seul et qui se révolte contre tout, contre Dieu, comme Prométhée ou celui qui dit NON à tout ce qui l’opprime, comme Antigone.
Ainsi la mort représente-t-elle le libre choix de l’être humain de dire NON à la vie et à son destin afin de pouvoir donner une dignité, un sens à la vie.
Dans la guerre d’Espagne, Malraux a vu des anarchistes dire NON au fascisme par leur lutte désespérée.
CONCLUSION
Malraux ne peut aller plus loin dans son romantisme que par l’action, par le vécu des héros au visage humain des anarchistes espagnols. Ce n’est pas pour rien que Malraux apparaît lui-même comme un héros à travers son expérience, partout dans le monde où « l’histoire se fait ».
Remarquons que Malraux n’a jamais été communiste, bien qu’il ait été de beaucoup de leurs véritables combats. Malraux a lutté à côté des communistes et il les a appréciés dans leurs actions. On peut dire qu’il fut un intellectuel engagé. Pourtant, Malraux était très proche des anarchistes. D’ailleurs, dans certaines de ses actions, il agit comme un anarchiste. Car il resta radicalement un individualiste.
Ce qui l’écarta de l’organisation communiste, c’est son attirance pour la mort, sa fascinatlon pour l’action, sa nature romantique, son amour pour toutes les victimes, et ses réflexions profondes sur la solitude humaine face à la recherche désespérée de la dignité…
Cependant, nous pouvons aussi trouver dans les caractéristiques de l’anarchie l’explication des sentiments de Malraux envers ce phénomène. L’anarchisme, dans ses actions, représente la synthèse, l’équilibre entre deux types d’attitudes, de comportements. Le premier type est celui du communisme qui veut que l’individu doive absolument suivre les mots d’ordre de son organisation, de sa cellule : l’individu perd ainsi sa liberté d’agir face à la collectivité. Le deuxième type est celui des libéraux humanistes engagés pour qui toute action doit être le résultat d’une décision de l’individu. Pour chacun, sa liberté d’agir est le moyen de résoudre son problème personnel. Il n’a pas de responsabilité envers la collectivité ni n’a l’ambition de changer la société. Or, l’anarchisme permet la liberté individuelle tout en soutenant l’action pour la cause du changement social, pour la dignité de la collectivité.
En conclusion, l’anarchisme correspond à l’esprit romantique de tous ceux qui choisissent la liberté pour eux-mêmes, l’action comme rêve à réaliser et la dignité humaine comme défi lancé à la mort.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. L’anarchisme et le cadre historique de la guerre d’Espagne
1.1. Le cadre historique
1.2. Le concept philosophique et le regard critique des autres.
2. Les caractéristiques des actes anarchistes dans « L’Espoir«
2.1 L’éthique de l’individu : la dignité et le rôle de la collectivité dans l’action anarchiste.
2.2 L’affrontement de l’oppression et la réaction des humiliés
2.3 La conception de la mort comme liberté d’agir.
3. Le regard romanesque d’André Malraux sur les anarchistes
3.1 Le rêve d’action chez Malraux
3.2 Malraux et le concept de la dignité dans l’action anarchiste.
CONCLUSION
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UNIVERSITE de GENEVE, Faculté des Lettres, E.L.C.F.
Texte présenté dans le cadre du séminaire de littérature « Concepts pour une lecture critique » par Mme Mello-Pham thi Nhung pour l’obtention du Diplôme d’Etudes Françaises.
Professeur : M. Beylard-Ozeroff