« Le Passe-Muraille » de Marcel AYMÉ

INTRODUCTION

La question : « Lire Proust » ou savoir commander « un chateaubriand saignant ».. Quel rôle doit jouer, selon vous, la littérature dans l’enseignement des langues ? » était posée dans le numéro spécial du Français dans le monde de février-mars 1988, consacré à la littérature en classe de Français Langue Etrangère.

Nous relèverons deux réponses. Tout d’abord celle de Jean Dutourd :

 »Je ne crois pas qu’on enseigne aujourd’hui les langues étrangères pour leur beauté, mais pour faire du commerce ou demander où sont les toilettes dans les aéroports. Proust et Chateaubriand ne sont pas de grande utilité dans ce domaine. »

Cette conception de l’enseignement des langues a non seulement envahi, mais perverti notre culture linguistique actuelle. Non que cette dimension de la L2 soit inutile ou perverse en elle-même, loin de là, puisqu’elle répond aux nécessités premières, soit du domaine purement physique, soit du domaine de l’échange, notamment au niveau du commerce, réalité aussi vieille que l’homme.

Pourtant, réduire l’apprentissage d’une langue étrangère à cette seule dimension, comme il arrive trop souvent aujourd’hui, c’est amputer cette langue de moitié, c’est­-à-dire la priver de l’expérience de la vie, de l’histoire et de la connaissance de l’homme qu’elle est capable d’apporter. C’est pour ainsi dire priver l’homme de son âme.

Pour abréger et simplifier, nous dirons que nous touchons là au mal de notre temps, où la loi du profit est en train de supplanter et faire mourir ce que les générations précédentes ont appelé « les Humanités », jugées « inutiles », « la langue courante » ayant elle acquis pignon sur rue.

(Et que dire encore de la dimension de « l’amour de la beauté », élevée par la tradition orthodoxe russe au rang de dimension « spirituelle » de l’homme, curieusement et tristement devenue quasiment sujet tabou aux yeux de la modernité ?)

Par bonheur, le courant n’est pas encore uniforme. La réponse d’Hector Bianciotti nous a beaucoup frappés :

« Une littérature, c’est une langue; il n’y a que les dialectes qui n’ont pas de littérature. Lorsqu’il suscite un écrivain de génie, un dialecte devient une langue (le toscan, grâce à Dante, devient l’italien). Par conséquent, l’enseignement d’une langue, c’est l’enseignement de la littérature qui la crédite comme telle. »

Tout n’est donc pas encore perdu, et pour des apprenants en quête personnelle, il faudra bien que subsistent des enseignants aptes à pourvoir, du mieux possible, même si ce ne peut être que de manière partielle, à leurs besoins non seulement relatifs, mais aussi profonds. N’oublions pas que telle était la relation maître-élève (discipulus) de la tradition antique.

En effet, une fois les prémisses de la langue et ses aspects utilitaires acquis, certains étudiants éprouveront beaucoup de peine à dépasser ce seuil, à trouver un enseignant propre à et désireux de les conduire plus loin, dans l’acquisition non seulement d’une langue nouvelle en tant que code, mais aussi d’une pensée, d’une perception, d’une vision et d’une conception du monde, d’une expérience différente de la leur. Leur manqueront (parfois douloureusement) l’élargissement de leurs horizons et l’enrichissement personnel que toute étude et culture nouvelle devrait apporter.

Il nous paraît par conséquent du devoir humain de l’enseignant d’aider et de guider ses étudiants (en même temps que lui-même) dans leur quête de savoir, certes, mais encore dans leur quête de sens, quête humaine par excellence (voire de la susciter). La conscience de nos limites (ou des leurs) ne devrait pas nous décourager de l’entreprise.

Rappelons enfin un autre élément en faveur de l’introduction de la littérature en classe de langue. Dans le même numéro du Français dans le monde, Jean-François Bourdet, de l’Alliance Française, dans son article Texte littéraire: l’histoire d’une désacralisation, compare le « texte authentique » si prisé dans la classe de langue, avec le texte littéraire, « un authentique document ». Sans entrer dans le débat tout entier dont ce n’est pas ici le lieu, nous retiendrons que :

 »Le texte littéraire a (…) comme caractéristique de contenir la majeure partie de son contexte (Intertextualité, Pacte de lecture notamment) et d’être manipulé dans une situation (…) proche de celle qu’expérimente un lecteur autochtone : la mise au jour du code intérieur au texte, l’élaboration d’une clé de déchiffrage. (Il s’agit de: note personnelle… ) reconnaître l’avantage d’un document qui comporte dans sa propre écriture des outils de compréhension, son mode d’emploi en quelque sorte. (… ) On le voit, ce qui est en cause ici n’est rien moins qu’une essence du texte littéraire que l’on peut définir comme sens se construisant dans et avec la participation du lecteur. Cette construction du sens qu’opère la vraie lecture rend la littérature à sa vraie dimension.  »

Quant à nous, de parti pris, nous introduirons donc très tôt et très progressivement la littérature dans notre enseignement du français langue étrangère.

L’exposé qui va suivre portera sur Le Passe-Muraille, de Marcel Aymé, qui nous paraît présenter un intérêt particulier quant à une lecture possible à plusieurs niveaux de l’interprétation

Il ne s’agira cependant pas d’un exposé technique approfondi, mais plutôt d’une modeste étude qui tentera de lancer quelques pistes.

 

SITUATIONS INITIALE ET FINALE

 

Situation initiale                                  vs                              Situation finale

Euphorique                                    vs                         Dysphorique

excellent homme                                                             incorporé à la pierre

possédait le don singulier                                          voix assourdie

(= extraordinaire, merveilleux)                               venir d’outre-tombe

passer à travers les murs                                            plainte

sans en être incommodé                                            vent sifflant

il se rendait … par l’autobus                                     lamente la fin le regret

à la belle saison                                                              des amours trop brèves

il faisait le trajet à pied                                              nuits d’hiver

son chapeau melon                               pauvre prisonnier doigts engourdis

 

Mobilité                                             vs                                Fixité

passer à travers les murs                 vs         figé à l’intérieur de la muraille

il se rendait … par l’autobus                                     incorporé à la pierre

il faisait le trajet à pied                                               pauvre prisonnier

son bureau (activité)                                                    doigts engourdis

 

Jour                                                          vs                                         Nuit

les rues animées                               vs                                 nuits d’hiver

son bureau (travail)                                                           les noctambules

                                                                                               à l’heure où la rumeur

de Paris  s’est apaisée

                                                                                    outre-tombe

lumière du soleil                                                                lumière du clair de lune

 

Compagnie                                          vs                                  Solitude

la rue animée durant le jour                      la rue désertée « à l’heure où la

(trajets en bus ou à pied)                            rumeur de la ville s’est apaisée »

le bureau (vie professionnelle)                  la solitude sonore de la rue

avec les collègues                                              Norvins, occasionnellement

(« il arrive que ») rompue par

une visite de Gen Paul

***

Vie   (ou l’homme vivant)

excellent homme

nommé Dutilleul

portait un binocle

une petite barbiche noire

employé de troisième classe

au ministère de l’Enregistrement

son bureau

son chapeau melon

= une identité humaine et sociale

vs     
Mort   (ou l’homme fantôme)

Garou-Garou-Dutilleul

incorporé à la pierre

voix assourdie qui semble venir d’outre-tombe

qui lamente … et des amours trop brèves

Garou-Garou-Dutilleul « hante » la rue Norvins

le « clair de lune », compagnie traditionnelle des fantômes

au coeur de la pierre : le coeur de G.-G.- D.

la lune -> féminité -> dernier amour, dernière compagne (glacée, puisque « nuits d’hiver »), mais aussi symbole de la mort elle-même pour compagne dernière

= une identité dissoute dans la mort (mais autre interprétation possible, ou prolongée, nous y reviendrons au niveau thématique)

***

LES SEQUENCES :

 

  1. Présentation (soit la situation initiale)

« Il y avait à Montmartre sous son chapeau melon. » (l. 1-9)

Introduite par la formule « Il y avait », équivalent moderne du « Il était une fois… »du conte populaire traditionnel.

  1. Révélation du pouvoir merveilleux de Dutilleul

 »Dutilleul venait d’entrer ne laissa pas de le contrarier un peu » (l. 10-22) Introduite par une   disjonction   temporelle : « entrer dans sa quarante-troisième année », et qui se termine par la réponse de Dutilleul à son don merveilleux : la contrariété.

  1. Une visite chez le médecin

« et, le lendemain samedi en faisant jouer la serrure. » (l. 22-46)

Introduite par une disjonction temporelle : « le lendemain samedi », une disjonction spatiale : « il alla trouver le médecin du quartier », et une disjonction actorielle : présence du médecin. La visite est un échec complet : Dutilleul oublie l’existence du remède tout comme il semble oublier son pouvoir merveilleux, objet de la visite.

  1. L’épreuve de Dutilleul

 »Peut-être eût-il vieilli avant de trouver le sommeil. » (l. 4676 )

Introduite par une disjonction temporelle : « soudain », ainsi que par une disjonction actorielle : départ de M. Mouron, arrivée de M. Lécuyer , changement qui dans sa situation fmale nous montre un Dutilleul dépouillé de sa paix routinière, « victimisé », écrasé par la tyrannie de Lécuyer, angoissé et souffrant d’insomnie.

  1. L’humiliation de Dutilleul

 »Ecoeuré par cette volonté la victime. (l. 77-87)

Introduite   par   une   disjonction   spatiale   à   la   fois   réelle   et   symbolique : bureau vs « Débarras » ! qui conduit à une situation finale tragique. En effet, dans « l’excellent homme », décrit au début du récit et toujours présent dans le « coeur résigné » de Dutilleul, se révèle un nouvel homme, inquiétant celui-là, en proie, hélas, à des rêveries « sanglantes », rêves d’inversion de « victime », rêves de vengeance.

  1. La fierté de Dutilleul le sauve

« Un jour, le sous-chef ... une maison de santé » (l. 88-145)

Introduite par le déictique temporel « un jour », va relater l’affront ultime et la vengeance de Dutilleul (en proie pour la première fois à un sentiment propre : la haine…) qui va conduire à sa fin tragi(-comi)que Lécuyer, et rendre, selon toute apparence, Dutilleul à son état initial de routine tranquille.

  1. Le « blues » de Monsieur Dutilleul

 »Dutilleul, délivré de la tyrannie des plus suggestifs. » (l. 145-171) Introduite par une disjonction actorielle : absence de Lécuyer. Rendu à sa vie routinière , Dutilleul n’est toutefois pas rendu à lui-même : nostalgie, besoin subit de gloire, désir d’aventure , et surtout, « l’appel de derrière le mur »… Pour le moins, Dutilleul est troublé…

  1. Premiers exploits

 »Le premier cambriolage le ministre de !’Enregistrement. » (l. 172-195) Introduite par une disjonction spatiale : premier lieu de   cambriolage,   puis   les suivants, et par une disjonction temporelle : de la vie diurne, on passe à la vie nocturne (« il se signalait chaque nuit… »)

  1. L’aveu de Dutilleul

« Cependant, Dutilleul la vie lui semblait moins belle. » (l. 195-217) Introduite par une disjonction logique tout à la fois d’opposition et de temps, puisque marquée par le connecteur « Cependant » employé au sens du terme d’opposition , mais aussi dans son sens littéral de « pendant ce temps », introduite également par une disjonction temporelle : le retour de la vie nocturne à la vie diurne, ainsi que par une disjonction spatiale : le retour au bureau, ainsi que par une disjonction actorielle : présence des collègues. Le besoin de reconnaissance de Dutilleul par ses semblables se solde par la dérision, le surnom de Garou-Garou et une immense désillusion : « la vie lui semblait moins belle. »

  1. Dutilleul-Garou-Garou révélé au monde

 »Quelques jours plus tard, leurs amis et connaissances. » (l. 218-236) Introduite par une disjonction temporelle : « Quelques jours plus tard » et une disjonction actorielle : absence des collègues. Dutilleul se fait « pincer » volontairement et atteint son but : faire reconnaître son identité et sa valeur (« lui rendirent hommage » et « l’admiration » de ses collègues).

  1. Commentaire moral de l’auteur

« On jugera sans doute au moins une fois de la prison. » (l. 237-247) Introduite par le pronom déictique impersonnel généralisateur « On », suivi du verbe à caractère axiologique « jugera ». Ce passage permet à l’auteur tout ensemble : de nous informer de sa philosophie: « …il glis-,ait simplement sur la pente de sa destinée. »; de nous rendre son (anti-)héros plus intime; de faire progresser son récit.

  1. Dutilleul tâte de la prison

 »Lorsque Dutilleul pénétra   des menaces et des injures. » (l. 248.309) Introduite par une disjonction spatiale : « les locaux de la Santé » et par une disjonction actorielle : présence du directeur de la prison. Dutilleul va exercer son caractère (nouvellement) facétieux à l’encontre du directeur et bien s’amuser jusqu’au moment où exaspéré au dernier degré, le directeur va se laisser aller « jusqu’à proférer des menaces et des injures. »

  1. Dutilleul rentre dans l’ombre

 »Atteint dans sa fierté sans être reconnu. »(l. 309-331)

Introduite par une disjonction spatiaie : « s’évada » et par une disjonction temporelle : « la nuit suivante », séquence qui se termine par l’acquisition d’un anonymat (presque) parfait.

  1. Dutilleul rencontre l’amour

 »Seul le peintre Gen Paul enflammer Dutilleul.« (l.331-370)

Introduite par une disjonction actorielle, soit la présence du peintre Gen Paul, et une disjonction temporelle : « un matin que » continuée dans « l’après-midi de ce même jour ». Dutilleul « devient amoureux » d’une femme mariée et jalousement gardée par un mari brutal, « de la grosse graine de truand », ce qui ne décourage Dutilleul en rien, au contraire…

  1. Dutilleul se déclare

 »Le lendemai n, croisant c’est impossible. » (l. 3703 79)

Introduite par une disjonction temporelle : « Le lendemain », une disjonction spatiale : « une crémerie », et actorielle : présence de la jeune femme. La déclaration de Dutilleul est bien accueillie, mais toute suite dite « impossible ».

  1. L’audace amoureuse de Dutilleul

 »Le soir de ce jour radieux … trois heures du matin. » (l. 380-404)

Introduite par une disjonction temporelle : « Le soir de ce jour radieux », et par une disjonction spatiale : « la chambre de la belle recluse ». Grâce à son pouvoir merveilleux et en dépit du mari ja1oux, Dutilleul parvient à s’introduire (« au pas gymnastique » !) chez sa belle et à s’en faire aimer.

  1. Fin de Dutilleul

« Lorsqu’il s’en alla, à l’intérieur de la muraille. » (l.404-424)

Introduite par une disjonction temporelle : « Lorsqu’il s’en alla », et par une disjonction actorielle : absence de la jeune femme. Sous l’effet de cachets pris au « hasard » pour soulager de violents maux de tête, Dutilleul perd son pouvoir merveilleux de passer à travers les murs et reste emm uré, « figé à l’intérieur de la muraille ».

  1. Coda (soit situation finale, déterminée dès la séquence précédente)

 »Il y est encore clair de lune. » (l.424-438)

Introduite par la disjonction temporelle « à présent » renforcée par le modélisateur de temps « encore », disjonction également marquée par le changement de temps des verbes, temps qui passe du passé au présent, un présent de valeur permanente, temps des maximes et des proverbes. A la manière du conte ou de la ballade, sur le même mode que celui adopté dans la séquence de présentation, est lamentée la triste fin de Garou-Garou-Dutilleul, à toujours prisonnier de la pierre pour avoir trop aimé.

 

Cette nouvelle de Marcel Aymé contrevient largement aux règles de sobriété du genre, sans pour autant nuire à son « fonctionnement », à son efficacité. Que de péripéties, pourtant !

 

LE  CADRE CHRONOLOGIQUE

 

La nouvelle se présente comme atemporelle en ce sens qu’elle commence par un « Il y avait… » volontairement associé au conte avec son « Il était une fois… », peu importe quand; atemporelle aussi quant à son thème magistral : « l’appel de derrière le mur » avec toutes ses implications.

Cependant, l’histoire est concrètement située dans le temps, que ce soit au niveau des détails du commencement : le binocle, la barbiche noire à la mode du temps, le rôle social de petit employé de ministère lui aussi significatif d’une époque, la panne d’électricité, la lecture du journal et la collection de timbres, ou plus tard dans la nouvelle, les détails ainsi signalés par Alain J uillard 1 :

 »Autres indications significatives : Dutilleul se « transforme » en se coiffant d’une casquette de sport, en revêtant un « costume à larges carreaux avec culotte de golf » et en remplaçant son lorgnon par « des lunettes en écaille » – tenue qui connote Hollywood et le rêve américain vers 1930- 1940 :

‘Il n’y a rien qui parle à l’imagination des jeunes femmes d’aujourd’hui comme des culotttes de golf et une paire de lunettes en écaille. Cela sent son cinéaste et fait rêver cocktails et nuits de Californie’: commente le narrateur. Mais l’indication chronologique la plus révélatrice est contenue dans l’énoncé  »profitant de la semaine anglaise » : en effet, c’est à partir du Front populaire et de ses réformes (1936) que bon nombre de salariés eurent droit à la  »semaine anglaise » (week end), c’est-à-dire au congé du samedi après-midi s’ajoutant à celui du dimanche.

Notons enfin l’introduction à la fin de la nouvelle d’un personnage réel, le peintre Gen Paul, représenté par son idiolecte ( »son rude argot »), connotant l’appartenance de son discours à une sous-langue spécifique l’argot parisien -, laquelle connote à son tour Montmartre, quartier populaire, hanté à la fois par la pègre et par les artistes peintres au début du XXe siècle. »

Remarquons une note intéressante sur Gen Paul, fournie par Alain Juillard :

« Gen Paul (Eugène Paul, dit), 1895-1975. Né et mort à Montmartre, ce peintre autodidacte, issu du milieu populaire de la Butte, produisit une oeuvre fort intéressante et proche de l’expressionnisme. Il admirait Goya. Un des grands amis de Marcel Aymé et de Céline. »

Aperçus sur LE CODE TOPOLOGIQUE

 

Le « pays lointain » du conte est ici très prosaïquement « la Butte », « au troisième étage de la rue d’Orchampt », lieu élevé et « différent » en même temps qu’englobé dans Paris (situé essentiellement au pied de la Butte et au-delà, en tout cas « en-bas »)

La Butte : « village »                      vs                       « la grande ville » : Paris

lieu élevé                                            vs                                    lieu bas

englobé                                               vs                                    englobant

lieu naturel                                         vs                                  lieu culturel

« Le village inspiré,                           vs                          « la vie de la grande ville »

c’est cette couronne de Montmartre qu’on appelle la Butte et qui fut pendant plus de vingt ans la capitale de la jeune peinture. (…) maquis (…) ce lieu retiré (…) comme un coin de province dans l’enceinte de Paris et où la vie de la grande ville ne parvenait qu’à peine. (…) lorsque nous flânons surles hauteurs de la colline (…) demeures campagnardes (…)

une mesure humaine de la vie » (2)  vs      mesure « inhumaine » de la vie

C’est sur la Butte que D.                       vs                Dans la ville, D.

rencontrera                                                  vs                          rencontrera

la mesure humaine de                            vs                  la mesure inhumaine de

l’amour                                                             vs                             la haine

lieu privé/vie cachée, « retirée »           vs           lieu public/exploits, gloire

lieu où l’on demeure                                  vs           lieu transitoire

habitation (sit. init.)                                  vs   lieu des « razzias » de Dutilleul

habitation, puis « tombe » (sit. fin.)     vs             séjour à la Santé

 

Le mur

Interface entre l’homme extérieur Dutilleul et l’homme intérieur Garou-Garou, soit entre le conscient et l’inconscient, le permis et l’interdit, l’observance et la transgression, le réel et l’imaginaire, la médiocrité et l’éternité.

 

LE NIVEAU NARRATIF

 ET LE SCHEMA ACTANTIEL DE A. J.  GREIMAS

 

Episode 1 : Séq.1-3

Le Destinateur/destinée a pourvu « naturellement » le Destinataire/Dutilleul de l’Objet/don merveilleux « de passer à travers les murs sans en être incommodé ».

Le Destinateur/destinée incite le Sujet/Dutilleul à la quête/désir de l’Objet/don merveilleux à l’aide de l’Adjuvant/panne d’électricité en vue de la communication/ réalisation/réception de l’Objet/don par le Destinataire/Dutilleul.

Le Sujet/Dutilleul refuse la mission de la quête (prise de conscience et de pouvoir du don) de concert avec l’Opposant/Dutilleul renforcé par le médecin tandis que le Destinataire/Dutilleul en arrive à même « oublier »/ignorer/refuser toute l’histoire, y compris l’Objet/don merveilleux.

Axes
  • Communication :

DESTINATEUR  ——->          OBJET  ——->        DESTINATAIRE

la destinée                             don merveilleux                      Dutilleul

  • désir :                                            (non-)désir

 

  • Pouvoir :

ADJUVANT ——->           SUJET               <——-        OPPOSANT

panne d’électricité            Dutilleul                             Dutilleul/médecin

 

Episode 2 : Séq. 4-6

Manque : paix routinière, brisée par l’Opposant/Lécuyer. Quête : délivrance/retour à cette paix.

Victoire de l’opprimé sur l’oppresseur. L’Objet/délivrance/paix routinière est acquis, et par la même occasion, la conscience et l’utilisation du don merveilleux le sont également.

Axes
Communication DESTINATEUR

la destinée

OBJET

délivrance/paix

DESTINATAIRE

Dutilleul

Désir
Pouvoir ADJUVANT SUJET OPPOSANT
don merveilleux Dutilleul Lécuyer

 

Episode 3 : Séq. 7-10

Manque : « l’appel de derrière le mur », besoin d’aventure et de gloire, révélé par « la destinée » .

Quête : la gloire, jusqu’à la reconnaissance par le monde « entier ». Victoire : la reconnaissance est (après la désillusion de la Séq. 9…) obtenue.

Axes
Communication DESTINATEUR

la destinée

OBJET

gloire

DESTINATAIRE

Dutilleul

Désir
Pouvoir ADJUVANT

don merveilleux

SUJET

Dutilleul

OPPOSANT

les collègues

 

Episode 4: Séq. 11-12

Manque : revanche sur la société établie qui a si longtemps méprisé Dutilleul.

Objet de la quête : jusqu’ici tourné en dérision par la société, Dutilleul à son tour tourne la société en dérision. Il s’agit tout de même bien d’une revanche, du moins en apparence et nonobstant le rôle majeur, si l’on en croit l’auteur, de la destinée .

La quête n’aboutit pas selon les termes posés au départ. En effet, après la période de triomphe de Dutilleul, la société établie, en la personne du directeur de la prison, lui adresse des insultes et le tourne à nouveau en dérision, en quelque sorte. Telle est la loi de compétition de cette société, où le pot de terre se brise toujours contre le pot de fer : la société a toujours raison et finit toujours par gagner, ou du moins par imposer sa loi.

Axes

Communication :

DESTINATEUR ——->    OBJET  ——->  DESTINATAIRE

la destinée                              revanche                     Dutilleul

Désir :

Pouvoir  ;

ADJUVANT ——->        SUJET    <——- OPPOSANT

don merveilleux                 Dutilleul         la société/directeur

 

Episode 5 : Séq. 13

Cependant, nous assistons à une victoire de Dutilleul sur un autre plan : Dutilleul se soustrait à cette quête de gloire et de reconnaissance, moteur de la loi de compétition. Il choisit la disparition, l’anonymat.

Cet anonymat, sous une apparence de similarité avec celui du commencement, n’est en réalité plus l’anonymat subi du petit fonctionnaire casanier du début, intégré à une société « dévoreuse d’âmes », mais celui choisi et assumé du malfrat ou de l’artiste (association avec le peintre Gen Paul), tous deux en marge de la société établie, tous deux « différents ». Il y a véritablement retournement des valeurs (« métanoïa »).

Il s’agit ici du premier choix véritable qu’opère Dutilleul pour « partir vers lui-même » (la Bible, Cantique des Cantiques, Le Chant des Chants, trad . A Chouraqui :  »Lève­ toi et pars vers toi-même.« ) Ici s’inscrit l’élément   de   transformation capital de la nouvelle.

La quête, jusqu’ici de gloire, se transforme en quête de respect, quand ce ne serait que le respect de soi-même, en réalité le plus essentiel.

Axes
Communication DESTINATEUR

la fierté

OBJET

respect

DESTINATAIRE

Dutilleul

Désir
Pouvoir ADJUVANT SUJET OPPOSANT
déguisement Dutilleul la société/directeur

 

Episode 6 : Séq. 14-16

Le Destinateur/destinée communique un « savoir » au SujetfDutilleul : la rencontre de la jeune femme qui provoque le manque-amour de Dutilleul, et la connaissance du mari jaloux, qui ne réussit qu’à l’enflammer davantage. L’amour se nourrit d’obstacles : c’est un fait notoire .

Dutilleul se met en quête de son « objet » : la belle inconnue.

Il conquiert alors l’objet de sa quête : « la belle recluse » et son amour.

Axes
Communication DESTINATEUR

la destinée

OBJET

la belle recluse

DESTINATAIRE

Dutilleul

Désir
Pouvoir ADJUVANT

pouvoir merveilleux

SUJET

Dutilleul

OPPOSANT

le mari jaloux

de traverser les murs

 

Episode 7 : Séq. 17

Le Destinateur/Adjudicateur/destinée n’accorde pas au Sujet/Dutilleul de récompense, mais au contraire le sanctionne par la privation de sa conquête/belle recluse, la privation de son don merveilleux dans l’acte précisément de son exercice (qu’au début de la narration, la destinée semblait vouloir lui attribuer et lui faire utiliser absolument), et par la privation de la vie elle-même. L’on pourrait, à ce stade, croire à une démonstration (presque) magistrale de l’absurdité de la vie, du « destin » et, en fin de compte, de Dieu, ou de son absence/inexistence, puisque c’est tout de même bien souvent lui qui est « visé », d’une manière ou d’une autre, sous l’appellation « destin ».

Axes

Communication :

DESTINATEUR   ——->      OBJET ——->       DESTINATAIRE

l’amour                                   la belle recluse                         Dutilleul

Désir :

Pouvoir  :

ADJUVANT     ——->        SUJET        <———    OPPOSANT

le don de passer                Dutilleul                     le mur + les cachets

à travers les murs                                              + le   surmenage= la destinée

                                                                                  (hasard) (= « Il n’y a pas de Dieu »,

Bible, Psaume 14:1)

 

Episode 8 : Séq. 18, ou coda

Ce dernier épisode, on ne peut plus paradoxal sous son camouflage de dérision, auquel il serait possible et même légitime de s’arrêter, sera repris plus longuement dans la partie théma tique .

Axes
Communication DESTINATEUR

la destinée

OBJET

« outre-tombe »

DESTINATAIRE

Dutilleul

ou « au-delà »…
= éternité
= réalité ultime
Désir
Pouvoir ADJUVANT SUJET OPPOSANT
Gen Paul Dutilleul la pierre

 

Paradoxe

Il semblerait qu’au-travers de cette nouvelle, l’auteur déclare : « Il n’y a pas de Dieu ! » et que pourtant il se contredise ou soit en proie à un conflit avec lui-même, puisqu’il exprime dans le même temps cette notion que, comme tout être humain, il a reçu ce que la Bible appelle « la pensée de l’éternité » (Ecclésiaste 3:11), ceci en introduisant une quête du Graal (le hanap d’or massif), de soi-même, d’une sublima tion, d’une réalité ultime, comme il sera montré dans les pages suivantes.

 

Transformation du personnage

  1. Dutilleul, refoulé, petit bourgeois craintif enlisé dans ses routines (qui consulte le médecin davantage pour un mal-être qu’il n’a pas le courage d’assumer que pour un malaise physique, phénomène des plus courants dans notre société contemporaine …), anti-héros esclave de la loi sociale
  2. Garou-Garou, retour du refoulé, associé à la figure glorieuse d’Arsène Lupin, « gentleman-cambrioleur », figure type du héros populaire: « Comme Arsène Lupin, Dutilleul/Garou-Garou se livre à des cambriolages audacieux, à des évasions incroyables, pratique l’insolence maîtrisée à l’égard des puissants, mystifie les forces de l’ordre, suscite l’admiration des foules, séduit les femmes, se transforme par le déguisement. ‘G   En   effet, même   de   manière   tout   à fait explicite, « La sympathie du public allait sans réserve à ce prestigieux cambrioleur qui narguait si joliment la police … l’enthousiasme de la foule atteignit au délire. » (le P.-M., p. 10- 11), et encore : « Connue du public le lendemain matin, la nouvelle souleva partout un enthousiasme magnifique … le comble à sa popularité. » (p. 14).
  3. Garou-Garou-Dutilleul « retourné » ou « revenu » (métanoïa) à son inconscient (à lui­ même), passé entièrement du côté du rêve et de son illimité, héros éternel scellé dans la mort (scellé dans la pierre qui ne permet plus le retour au conscient policé), sur-héros dont on se souviendra longtemps, libéré de la loi sociale.

Exister/                vs                    Etre/                    vs               Ne plus être/

Vie statique                      Vie dynamique                       Non-vie statique

 

Dutilleul                              Garou-Garou                   Garou-Garou-Dutilleul

vaquant à                                 les exploits                    privé du mouvement

ses occupations

de bureaucrate

célibataire

sans gloire                                 la gloire  et                                 de la gloire

et sans amour                         l’amour                                         et de l’amour

esclave de                                 s’opposant à                               libéré de

la loi sociale                             la loi sociale                                la loi sociale

anti-héros                                   héros                                     sur-héros (éternel)

 

LE NIVEAU THEMATIQUE

OU LE RETOURNEMENT DES APPARENCES

 

Conjonction

(Situation initiale) :

Dutilleul est conjoint à son don merveilleux et à son personnage social

 (Situation finale) :

Garou-Garou-Dutilleul s’est rencontré lui-même en l’homme de la nuit, du rêve, de l’idéal, de l’illimité (la mort n’a pas de fin, et rend toutes choses éternelles, ainsi en va-t-il de l’amour de Roméo et Juliette…) 

vs
Disjonction

(situation initiale) :

disjoint de son identité profonde, sentimentale et poétique, son vrai moi, dont il n’a aucune conscience, aucune idée

(situation finale) :

disjoint de son don ainsi que de son personnage social falot, médiocre, limité, routinier, enfermé dans ses habitudes et ses règles sans espoir, ses ambitions sans envergure

 

Vie                       vs                          Mort                    vs                        Résurrection

 

 

Dutilleul                                    Garou-Garou                                           Pierrot

ou l’homme social       = identité de « passage »      ou l’homme véritable

peut-être à comparer

avec les noms attribués

lors de certains rites de passage

les murs

de la routine                                       les murs                              la voix assourdie

les murs                                          paradoxalement                              « sort »

de la société                                 voies de passage                            du mur,

établie                                                                                                                 et « vit »,

puisqu’elle

                                                                                                                                                                                                                                                                                       « lamente »                                                                                                                             le regret des                                                                                                       amours trop brèves,                                                                                                       trait bien caractéristique                                                                                                   d’un Pierrot.

Dutilleul,

                                                             alias Garou-Garou

« meurt », « enfermé »

dans « le mur »

                                                              (« figé dans la muraille…      

incorporé à la pierre »)

 

Pierrot (suite)

 

Ce Pierrot peut être « consolé d’une chanson », accompagnée à la « guitare », son instrument de prédilection selon la tradition.

Les « gouttes de clair de lune », belle image des larmes et de la sensibilité par contraste avec « la pierre », image aussi de l’eau, qui comme l’amour (ici de Gen Paul, et peut­ être n’est-il pas inutile de remarquer que Gen Paul est un artiste) produit la vie, ces « larmes » donc « pénètrent au coeur de la pierre », le coeur de pierre de l’ancien Dutilleul, qui malgré la passion nouvelle incarnée en Garou-Garou, avait « rattrapé » ce dernier (on ne se débarrasse pas si facilement de son passé…) sous l’aspect des « cachets » prescrits au Dutilleul du début pour précisément « tuer » son « don merveilleux », coeur de pierre non « racheté » qui est parvenu effectivement à retenir Garou-Garou emmuré et pétrifié dans la mort.

Ainsi, de cette mort, c’est l’image de Pierrot qui surgit, le visage jusque-là caché, obscurci, défiguré par les normes, routines, contraintes, appétits de gloire d’une société à la fois « raisonnable » et sans merci pour les non-gagnants, société de compétition où la valeur se mesure à l’aune du succès plutôt que de l’amour, c’est le visage vrai, le visage intérieur qui apparaît, d’un homme qui un jour s’appela Dutilleul. Serait-ce aller trop loin que d’identifier ici Gen Paul à une figure de l’amour « rédempteur »? (Si l’on osait aller encore plus loin dans cette direction, il serait possible de rapprocher les larmes-gouttes de clair de lune de Gen Paul du « don des larmes » de la tradition orthodoxe russe…)

Par-delà l’apparence d’un mur final (la mort), dans lequel Dutilleul a laissé son « enveloppe charnelle », se profile le mur dépassé, « l’autre côté du mur » dont Dutilleul avait ressenti « l’appel ». Dutilleul est parvenu, enfin, à une sublimation de lui-même (plus « grande » que la gloire), il est devenu le Pierrot « sous les étoiles », sous la lune, image à ce niveau non plus de la mort en tant que fin, mais d’un « au-delà » où Dutilleul-Pierrot vit enfin dans sa vérité ultime, vit enfin selon son coeur.

Il a mené à bien sa quête du Graal, il a accompli son « passage » (de « Pasca » en hébreu : passage à travers la mort) vers lui-même.

Un autre schéma peut rendre compte de cette transformation :

ALIENATION                                                 vs                                           LIBERTE

In-conscience                                               VS                                       Conscience

Dutilleul                                                            vs                                            Pierrot

 

un homme étranger à lui-même libre de ses mouvements physiques, mais prisonnier de ses routines et de son milieu social, sans envergure, sans sentiments propres étranger à son âme enlisé dans la lourdeur du monde et de ses contraintes

VS

un homme révélé à lui-même s’appartenant à lui-même, prisonnier du mur quant à ses mouvements physiques, mais authentique dans ses sentiments, libre d’aimer au-delà  de l’éros    (Dutilleul-Pierrot-David…/Gen Paul-Jonathan…) envergure de l’éternité entré dans la réalisation de son âme, libéré de la lourdeur du monde et de ses contraintes.

En un mot, Dutilleul a « quitté l’ici pour atteindre l’ailleurs ».

QUELQUES SYMBOLES

 

Les lunettes

Après sa « transformation » , Dutilleul remplace « son lorgnon » par « des lunettes en écaille ». C’est bien le cas de dire qu’il a « changé de lunettes » ! c’est-à-dire de regard sur la vie, donc de perception et de conscience (4)

Le Centaure

 « Centaures : Etres monstrueux de la mythologie grecque, dont la tête, les bras et le buste sont d’un homme, le reste du corps et les jambes d’un cheval. »

En résumé : « la bête dans l’homme ».

« Il est sans doute peu de mythes aussi instructifs sur les conflits profonds de l’instinct et de la raison. (…) On en a fait aussi l’image de l’inconscient, d’un inconscient qui devient maître de la personne, la livre à ses impulsions et abolit la lutte intérieure. » (5)

Il est bien de l’ironie coutumière de M. Aymé que de faire prescrire à Dutilleul un « remède » qui ne servira qu’à l’accomplissement final de ce que Dutilleul souhaitait combattre, ou plutôt même « éviter » que combattre, à savoir la prise de pouvoir de son inconscient sur toute son existence !

Le loup-garou

 Appelé aussi lycanthrope, est un homme qui se transforme la nuit, sous certaines conditions, par exemple la pleine lune, en loup. Autre image donc de la bête liée à l’homme, ou « de la bête dans l’homme ».

« La croyance aux lycanthropes ou loups-garous est attestée depuis l’Antiquité en Europe. (…) En France, à peine commençait-on à en douter sous Louis XIV. (…) Ce symbolisme de dévorateur est celui de la gueule, image initiatique et archétypale, liée au phénomène de l’alternance jour/nuit, mort/vie : la gueule dévore et rejette, elle est initiatrice… » (6)

L’allusion de M . Aymé au loup-garou est certaine, avec son Garou-Garou. Mais il ne faut pas oublier l’esprit d’ironie, moyen de créer le paradoxe, et pourquoi pas ? moyen de déguisement, qui soutient la nouvelle : Garou-Garou ne possède qu’un poil » de loup !

Cependant, les symboles sont bel et bien présents, et de toute évidence choisis, réfléchis par M. Aymé. Ils portent bel et bien, même sous forme voilée ou atténuée par l’ironie, leur message. M . Aymé parvient-il vraiment à déguiser son angoisse existentielle ?

Le   Double (Dutilleul-Garou-Garou)

 

« Un dédoublement apparaît encore dans la connaissance et la conscience de soi entre le je connaissant et conscient et le moi connu et inconscient. Le moi des profondeurs, et non celui des perceptions fugitives, peut apparaître comme un archétype éternel… (…) Le romantisme allemand a donné au Double (Doppelganger) une résonance tragique et fatale… Il peut être le complémentaire, mais plus souvent l’adversaire qui nous invite à combattre… » (BRIR, III, 120). 7

« …intéressons-nous à l’un des thèmes obsédants de la fiction ayméenne : on l’appellera le mythe du Double. Rien de très original ici, objectera-t-on : toute la littérature fantastique témoigne de la prégnance du Doppelganger. Mais le Double, dans le monde de Marcel Aymé, revêt une fonction que l’on peut dire métaphysique.

Car il est le support d’une interrogation inquiète, angoissée sur la liberté de l’homme . (…) !’écrivain pose en effet le problème à partir duquel se déploiera sa méditation : peut-on changer de nature, de caractère, modifier son moi par un acte de la volonté ou en profitant de quelque heureux hasard ? Que valent les notions de réversibilité, de destin ? » commente Alain Julliard (opus cité).

Nous savons tous que la question ne se résoudra pas facilement.

 

Conclusion

 

Il est bien évident que toutes les possibilités d’observation, d’analyse et d’interprétation ne sont pas épuisées ici. Nous n’avons pas abordé par exemple la reconnaissance pertinente des isotopies sémantiques, telles celles qui se réfèrent au Moyen-Age, à la méphistophilie, au destin, à « l’oubli ». Cependant, il faut à un certain moment décider de finir là, et c’est ce que nous ferons.

 

NOTES

1.Alain Juillard commente Le Passe-muraille de Marcel Aymé, Gallimard, 1987, Foliothèque.

2. Le village Montmartre : un article publié par M. Aymé dans l’hebdomadaire Radio 50 (n° 331, 7 octobre 1950) résume parfaitement ce que fut pour lui le « village » de Montmartre, A. Juillard.

3. Alain Juillard commente Le Passe-muraille de Marcel Aymé, op. cit.
4. Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov, Ed. du Seuil, 1970, Coll. Points Essais

5. Dictionnaire des symboles, Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Ed. R. Laffont etJupiter, Paris, 1982

6. Dictionnaire des symboles, op. cit.

7. Dictionnaire des symboles, op. cit.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Aymé Marcel, Le village de Montmartre, article publié dans l’hebdomadaire Radio 50, no 311 du 7 octobre 1950, joint à la partie Dossier du commentaire d’A.Juillard

Chevalier Jean, Gheerbrant Alain, Dictionnaire des symboles, Ed. R. Laffont et Ed. J upiter, Paris, 1982, Coll. Bouquins

Chouraqui André, Le Chant des Chants, trad. du Cantique des Cantiques, la Bible Everaert-Desmedt Nicole, Sémiotique du récit, De Boeck -Wesmael, 1992

Juillard Alain, commente Le passe-muraille de Marcel Aymé, Gallimard, 1987, Foliothèque

Le Français dans le monde, numéro spécial, février-mars 1988,Jean Dutourd, Hector Bianciotti, ainsi que l’article de Jean-François Bourdet : Texte littéraire: l’histoire d’une désacralisation

Todorov Tzvetan, Introduction à la littérature fantastique, Ed. du Seuil, 1970, Coll. Points Essais

 

TABLE DES MATIERES

Introduction  p.  1

Situations initiale et finale  p.  4

Les séquences  p. 6

Le cadre chronologique  p. 11

Aperçus sur le code topologique p. 12

Le niveau narratif p. 13

Le niveau thématique p. 19

Quelques symboles p. 22

Bibliographie p.  24

Annexe

Le Passe-Muraille, Marcel Aymé, Gallimard, 1943, Le Livre de Poche, copie annotée.

***

Texte présenté par Mme Maria-Savina DEGOMBERT

dans le cadre du séminaire de Méthodologie littéraire pour l’obtention du Diplôme d’Etudes Spécialisées en didactique du Français Langue Etrangère

Professeur : M. Jean-Louis Beylard-Ozeroff